Après avoir rédigé un article sur la zoothérapie, j'ai eu envie d'aller voir de plus près l'équithérapie : en quoi consiste-t-elle ? D'où vient-elle, quelle est l'histoire de l'utilisation du cheval en thérapie ? Que peut-elle apporter ? J'ai élaboré cet article sur la base d'articles, thèses, mémoires que j'ai pu trouver sur la toile sur le sujet. Je ne prétends pas bien sûr ici à l'exhaustivité, juste à donner des points de repère et des références qui peuvent donner envie d'aller plus loin pour approfondir la question.
Eléments de définition de l'équithérapie
Selon la Société Française d'Equithérapie (SFE), "l’équithérapie est une prise en charge psycho-corporelle fondée sur la présence du cheval comme médiateur thérapeutique et dispensée à une personne dans ses dimensions psychiques, motrices, sensorielles, cognitives et sociales."
L'équithérapie est souvent définie en comparaison avec des disciplines voisines comme l’hippothérapie ou l'équitation adaptée. Selon M. Pomès-Bordedebat (DE L'INTERET D'UTILISER LA MEDIATION EQUINE POUR FAVORISER L'EMERGENCE DE COMPETENCES DE COMMUNICATION CHEZ DES ENFANTS AUTISTES NON-VERBAUX : ETUDE DE TROIS CAS SINGULIERS, 2016), elle est "un soin psychique fondé sur la présence du cheval comme médiateur thérapeutique". L'hippothérapie est davantage en France une méthode de rééducation fonctionnelle au cours de laquelle le pas du cheval est utilisé comme outil (traitement physio-thérapeutique) et durant laquelle le cavalier suit. L'équitation adaptée quant à elle propose à un public handicapé une activité sportive qui lui soit accessible.
La reconnaissance de la dimension thérapeutique de cette pratique est récente (A’dos de cheval : délinquance juvénile et médiation équine, Lacotte et Roques, 2018) : "...ce sont les Suédois et les Norvégiens qui, les premiers, la mettront en exergue quarante ans auparavant".
Enfin, K. Boucher (Perception des effets de l’équithérapie chez les adolescentes présentant un trouble du spectre de l’autisme, 2023), met davantage l'accent sur le dispositif en tant que tel : "L’équithérapie (équitation thérapeutique) est une modalité d’intervention qui en partenariat avec le cheval travaille des objectifs adaptés aux besoins de l’individu (Hameury et al, 2010)."
L'équithérapie a donc recours au cheval comme partenaire thérapeutique et médiateur de la relation. C'est la relation avec l'animal qui est au centre de l'attention. Le cheval va permettre de partager de nouvelles expériences qui seront l'occasion, selon la qualité et l'objectif du thérapeute, de réaliser un travail thérapeutique. Selon C. Elies (Prendre-soin grâce à la médiation animale : le cheval porteur d’espoir, 2022) : "Seuls des professionnels de la santé ou du médico-social peuvent devenir équithérapeutes (médecins, psychologues, infirmiers, éducateurs, etc.)."
Historique du recours au cheval en thérapie
Pour M. Pomès-Bordedebat (2016), le recours au cheval pour du soin remonte à l'antiquité. L'utilisation thérapeutique du cheval était pratiquée en Grèce dans les temples d'Esculape pour soigner des maladies somatiques et fortifier les membres. Mais pas que : "Le contact avec le cheval était par ailleurs déjà utilisé pour soutenir l’éducation des enfants et adolescents, et traiter certains troubles de l’humeur et maladies psychiatriques".
Cette pratique semble avoir été mise de côté au Moyen-âge pour réémerger à la Renaissance. Au XVIIIème siècle, on en trouve des traces notamment chez Diderot qui écrit dans son encyclopédie un long traité "De l'équitation et de ses conséquences pour se maintenir en bonne santé et pour la recouvrer" dans lequel il évoque les aspects préventifs et curatifs d'un tel sport, "le recommandant aux dames pour soigner les maladies nerveuses dont elles sont souvent atteintes" (EQUITATION THÉRAPEUTIQUE ET PSYCHIATRIE, F. Niquet Defer, 2002).
En 1870, Chassaigne (physiologiste et chercheur), présente une thèse de doctorat en médecine : "Physiologie de l'équitation, de son application à l'hygiène et à la thérapeutique". Pour F. Niquet Defer (2002), il y présente notamment un effet bénéfique sur les contractions musculaires pathologiques mais également "un effet thérapeutique sur l'hystérie, l'épilepsie, l'ataxie motrice que recouvre actuellement en partie le concept de dépression. Il propose également cette activité dans la cure de l'hypochondrie."
C'est au Danemark et en Norvège que la rééducation par l'équitation se formalise suite à l'exploit de Lise Hartel. Championne de dressage danoise, elle est atteinte de poliomyélite en 1943. Suite à un entraînement intensif (malgré les recommandations médicales), elle obtient, en 1952, la médaille d'argent au concours de dressage des jeux olympiques d'Helsinki. Son amie, Elsebet Bodtker, kinésithérapeute norvégienne, va alors mettre au point une méthode consistant à installer des handicapés en selle sur des poneys. Cette expérience très positive génère l'ouverture en 1953, d'un centre équestre spécialisé pour enfants handicapés subventionné par le ministère de la santé de Norvège.
En France, Renée de Lubersac, psychomotricienne, et Hubert Lallery, masseur-kinésithérapeute, ont publié un ouvrage commun "La Rééducation par l'équitation" en 1973 dans lequel ils cherchent à théoriser les bénéfices psychomoteurs provenant du contact avec le cheval. Selon M. Pomès-Bordedebat (2016), "Ils ont montré que la mise en place de ces systèmes d’échange pouvait servir de base dans la constitution du sentiment d’identité et être un début à l’établissement de systèmes d’échanges plus symbolisés.". Dans leur sillage, de nombreuses associations vont voir le jour.
Qu'en est-il de l'histoire de l'utilisation de l'équitation dans un but psychologique ? Pour F. Niquet-Defer (2002), si les travaux écrits focalisant sur l'intérêt et le bénéfice psychologique de la rééducation par l'équitation sont plus rares, ces derniers apparaissent cependant de manière constante dans toutes les publications. Elle précise que "L'équitation utilisée dans un but psychothérapique a été à la source de nombreuses initiatives qui sont d'abord restées isolées, tout au moins dans un premier temps". Ainsi, dans les années 70 en France, apparaissent des initiatives utilisant le cheval dans le milieu psychiatrique (hôpital de Jury-lès-Metz). En 1989, un service intersectoriel d'équithérapie se constitue au Centre Hospitalier de Saint-Rémy (Haute-Saône).
L’équithérapie émerge comme discipline thérapeutique à part entière en 1986. C'est à cette date que la Fédération nationale des thérapies avec le cheval (FENTAC) est créée. A partir de là, les activités de soins ne sont plus uniquement sous la tutelle des fédérations sportives.
Selon Wikipédia, la création de la Société Française d'Equithérapie (SFE) en 2005, vient modifier le prisme des pratiques de soin ayant recours au cheval : "Après le soin médical, le soin kinésithérapeutique et le soin psychomoteur, c'est à présent le soin psychique médiatisé par le cheval qui se voit ancré par l'apport des différents domaines de la psychologie et de la psychothérapie à l'utilisation du cheval en thérapie16.".
Quels sont les bienfaits de l'équithérapie ?
Selon C. Elies (Prendre-soin grâce à la médiation animale : le cheval porteur d’espoir, 2022), le cheval présente la capacité de perception et de remémoration des émotions humaines. Il peut ainsi avoir une fonction miroir dans la relation au bénéficiaire des soins, en lui donnant en écho des informations précieuses sur ce qui se passe en lui dont il n'a pas forcément conscience ainsi qu'au thérapeute. Le cheval, via le portage "source de stimulations vestibulaire et thermique", peut permettre également au bénéficiaire de vivre une régression affective "Le cheval répond donc simultanément à quatre besoins primaires de l'enfant : porter, chauffer, bercer, toucher" et en ce sens renvoie à la fonction maternelle. Il peut aussi être source de sécurité "Sa fonction réelle de force et de puissance recouvre donc une fonction symbolique paternelle de protection et de loi (Claude, 2010)."
F. Niquet Defer (EQUITATION THÉRAPEUTIQUE ET PSYCHIATRIE, 2002) présente une revue de littérature détaillée des aspects psychologiques qui peuvent être travaillés via l'équithérapie : la symbolique du cheval, le holding, le portage de type parternel, la loi symbolique, etc... et met ainsi en évidence la richesse de la médiation thérapeutique avec le cheval et des indications possibles.
Enfin, des études ont été réalisées sur les effets de l'équithérapie auprès d'enfants souffrant de Troubles du Spectre Autistique (TSA). Plusieurs d'entre elles montrent qu'elle peut générer des effets positifs sur le plan psychosocial (Perception des effets de l'équithérapie chez les adolescentes présentant un trouble du spectre de l'autisme, K. Boucher, 2023) :
Holt et al., 2011 : cette étude révèle les effets positifs de l'équithérapie auprès d'enfants autistes âgés entre 6 et 16 ans : "diminution de l’irritabilité, de la léthargie, des comportements stéréotypés, de l’hyperactivité. En outre, une augmentation de la qualité du langage, des habiletés sociales ainsi que des comportements d’autorégulation ont été observés chez les participants au programme (Holt et al., 2011)."
Gabriels et al., 2015 : les résultats de cette étude effectuée auprès de participants âgés entre 6 et 16 ans montrent également une diminution des comportements d’hyperactivité et d’irritabilité, des améliorations des habilités sociales, une potentielle amélioration des capacités langagières. Selon K. Boucher : "Parmi les effets positifs qui semblent s’être maintenus dans le temps, il y a l’amélioration des capacités langagières, des habiletés sociales ainsi que la diminution des comportements d’hyperactivité ainsi qu’une diminution de l’irritabilité (Gabriels et al., 2018)".
Tan et Simonds, 2018 : ces auteurs ont recueilli le regard des parents d'enfants autistes âgés de 3 à 14 ans ayant participé à l'étude : évolution sur le plan psychosocial "Plus spécifiquement, ils ont noté des améliorations sur le plan du bien-être émotionnel et psychologique en observant une augmentation des capacités d’autorégulation émotionnelle diminuant ainsi la fréquence d’apparition des comportements externalisé", amélioration de la qualité des relations sociales allant de pair avec une anxiété et un stress moindres chez leur enfant, attrait de ce dispositif de soin grâce à la présence du cheval, augmentation de l’attention et de l’engagement du sujet durant les séances.
K. Boucher (2023) montre quant à elle dans son travail, centré sur des adolescentes présentant un TSA, comment l'équithérapie a pu avoir un impact sur "la confiance en soi, sur la régulation émotionnelle, les habiletés sociales ainsi que sur l’autonomie des adolescentes".
Pour le Docteur L. Hameury (La thérapie avec le cheval et l'enfant avec autisme, 2016), le but de la thérapie médiatisée par le cheval est "d’utiliser cet environnement « facilitateur » qu’est celui de la thérapie avec le cheval, afin d’influer sur le comportement adaptatif en favorisant la modulation sensorielle, le traitement des informations, le bien-être, la mise en œuvre des potentialités puis la généralisation des compétences". Pour elle, l'équithérapie permet d’exercer les systèmes d’adaptation et de régulation de l'enfant avec autisme : "communication et relation avec autrui, régulation sensorielle (perception), régulation cognitive (attention, association, intentionnalité, représentation mentale, planification, relations de causalité, anticipation), régulation motrice (tonus, conscience du corps, adaptation posturale, équilibre, coordination), régulation émotionnelle, confiance en soi, gestion émotionnelle de la difficulté, expression émotionnelle, partage émotionnel, détente et plaisir."
Enfin, les apports de Pomès-Bordedebat (2016) sont précieux pour mieux comprendre en quoi la mise à cheval peut apporter des bénéfices tant physiques que psychiques aux personnes souffrant de TSA. D'une part, le cheval en mouvement provoque chez son cavalier une stimulation proprioceptive (sensibilité du système nerveux aux informations sur les postures et les mouvements, venant des muscles et des articulations) qui facilite la prise de conscience des parties de son corps et de comment il bouge. Pour cette auteure cela aide "à la prise de conscience de la coordination et du corps dans son ensemble". D'autre part, le cheval a selon elle une capacité singulière d'ajustement permanent à l'autre. Lors de la monte surtout "il s'instaure un véritable dialogue tonico-postural, c'est-à-dire un accordage à la fois sur les plans rythmique, postural, émotionnel, tonique et affectif. Les informations se transmettent mutuellement entre cavalier et cheval au travers des récepteurs somesthésiques, proprioceptifs et vestibulaires, ce qui permet de se sentir faire corps avec sa monture". Or, les enfants porteurs du TSA semblent présenter une proprioception et un ajustement postural et tonique particulier entravant leur développement.