La thérapie par le jeu centrée sur la personne de l'enfant
Contrairement aux adultes, les enfants ont rarement des objectifs définis lorsqu'ils commencent une thérapie par le jeu. Ils vont venir mettre en scène dans leur jeu les problèmes qu'ils rencontrent dans leur vie (une petite soeur encombrante, un papa très occupé...). Dans les conditions particulières de l'espace thérapeutique, ils vont pouvoir intégrer de nouvelles expériences sans les conscientiser. En effet, une prise de conscience de la part de l'enfant n'est pas nécessaire pour qu'un mouvement thérapeutique ait lieu. On va utiliser la médiation du jeu pour les aider à venir exprimer et transformer ce qu'ils vivent de compliqué à l'intérieur d'eux-mêmes. La thérapie par le jeu présentée ici s'inscrit dans la filiation de l'Approche Centrée sur la Personne. Nous verrons tout d'abord un bref historique de la thérapie par le jeu centrée sur la personne de l'enfant, puis, nous aborderons la façon dont il travaille lors d'une séance de thérapie par le jeu et enfin les effets pour(en) lui. Ces informations ont été extraites d'articles écrits par des praticiens de cette thérapie.
Petit historique de la naissance de cette approche thérapeutique
Carl Rogers a été le directeur du Centre de Guidance infantile de Rochester. Il y a travaillé de 1928 à 1939 avec des milliers d'enfants en difficulté et leurs parents. Il a dans un premier temps expérimenté les différentes approches thérapeutiques de l'époque (la thérapie éducative, l'hypnose, la thérapie expressive, la psychanalyse, la thérapie interprétative. Peu à peu, il a développé la conviction que c'est le client qui sait ce qui ne va pas et qu'il vaut mieux se fier à lui pour l'orientation dans le processus. Il a été très influencé par la Thérapie de la Relation (1933, Jessie Taft). Puis, il a mis au point la "Componant Factor Method" : diagnostic tenant compte de huit facteurs permettant de choisir entre les différents types de traitements à proposer à l'enfant. Dans le cadre d'une recherche supervisée par lui (L'approche centrée sur la personne : une anthologie de textes, Kirschenbaum & Land Henderson, 2001, p. 236-243) Rogers a identifié que c'est le dernier facteur, à savoir, le niveau de conscience de soi (ou encore l'image que l'enfant a de lui-même et son acceptation de lui et de la réalité), qui prédisposait le mieux à la possibilité d'un changement chez l'enfant. C'est sa collègue V. Axline qui est la fondatrice de la thérapie par le jeu dans l'Approche Centrée sur la Personne. Elle est connue par son ouvrage "Dibs, à la recherche de soi" où elle relate la thérapie avec un enfant en grande difficulté. Dans son livre, "Play Therapy" écrit en 1942, elle décrit les huit principes de sa pratique d'une relation aidante avec un enfant. Dans les années 1950, parallèlement à l'élaboration de la théorie de "l'approche centrée sur le client", la thérapie par le jeu évolue. C. Moustakas traduit les six conditions de Rogers dans la relation par le jeu. Il crée une relation d'aide dans le jeu avec l'enfant, la relation étant l'expérience de croissance déterminante. L'approche devient "l'Approche Centrée sur la Personne" (ACP) dans les années 1960. M. Behr, issu de l'école allemande de thérapie par le jeu, initie un nouveau concept, celui de résonance interactive, via différents types de jeux. Le praticien tente d'être avec l'enfant en plus de mettre des mots sur ce qui se passe pour lui (M. Behr, 2008). Enfin, la thérapie par le jeu peut être vue comme un outil de prévention de troubles à venir. Ainsi, certains professionnels ont mis en place des ateliers pour enfants où ces derniers sont formés aux trois attitudes propres à l'ACP (les Kid's Workshops de B. Williams). D'autres vont former les parents à la thérapie par le jeu (Child-Parent Relationship Therapy de Landreth et S. Bratton, la Thérapie Filiale de Bernie et Louise Guerney, T. Gordon et les ateliers de "Parents Efficaces"). S. Pedevilla va chercher quant à elle à transmettre à des parents l'idée qu'il leur est possible d'aider leurs propres enfants et leur proposer des séances '"Apprendre à jouer" (pour écouter leur enfant à travers le jeu).
Comment l'enfant travaille dans une séance de thérapie par le jeu ?
Le but du jeu c'est la Croissance. Il s'agit d'aider l'enfant à grandir, à se développer. Si le thérapeute ACP n'a pas de but spécifique pour l'enfant, cela ne veut pas dire qu'il n'a pas d'attentes dans le travail avec lui. Il a des buts quant au processus de la thérapie et non au résultat. Le thérapeute peut faciliter le développement de l'enfant. "Dans le travail avec les enfants, le jeu est très sérieux, le jeu est relation" (S. Pedevilla).
Dans une séance de thérapie par le jeu, l'enfant ne va pas vers une prise de conscience mentale et verbale, mais il va transposer et exprimer via le jeu, des émotions, des vécus. Grâce à la présence du thérapeute, adulte attentif à lui-même et à son expérience, l'enfant va pouvoir rester en contact avec son expérience intérieure (M. Warner). Avec un accompagnement bienveillant et non-directif d'un adulte, il va peut-être pouvoir rester avec une expérience difficile et non digérée qui émerge dans le jeu. Ainsi, il s'approche à son rythme de ses émotions et expériences intérieures pour enfin se les approprier. L'enfant dans le jeu peut passer d'une vague sensation de malaise, vers une situation de jeu qu'il maîtrise, et qu'il peut transformer ou arrêter à tout moment. Il travaille ainsi son expérience intérieure et se rapproche de lui-même (congruence). Le jeu intervient alors comme une activité de symbolisation d'un ressenti, comme un terrain d'expérimentation où il peut chercher (en donnant forme) ce qui correspond le mieux à ce qu'il ressent et à l'intensité de ce qu'il ressent. Il pourra ainsi soit trouver les mots et vérifier leur justesse ou "jouer" son expérience pour l'intégrer. Il pourra grâce à cette nouvelle expérience, dans ces conditions, passer d'un état d'angoisse ou de tension diffuse à un sentiment mieux connu et plus confortable.
La relation avec le thérapeute en-dehors du jeu est également un élément essentiel de la thérapie. L'enfant peut en effet faire l'expérience d'être avec une personne adulte qui peut accueillir ses sentiments tout en gardant envers lui un regard positif sans conditions. "L'acceptation du thérapeute de l'enfant peut aider l'enfant à s'accepter lui-même" (Elaine Dorfman, 1951).
Quelles sont les conséquences pour l'enfant ?
L'enfant vit dans le cadre thérapeutique de nouvelles expériences :
- il arrive mieux à faire ses propres choix, à valider son propre vécu (son centre d'évaluation interne s'intériorise). Il peut ainsi gagner en estime de lui-même,
- il peut faire une nouvelle expérience de lui-même et donner libre cours à une configuration interne méconnue, et ses configurations se réorganisent. De ce fait, son image de lui-même évolue et il peut ainsi changer de comportement (exemples : moins d'angoisse, moins d'agressivité etc...),
- il peut venir travailler (s'approprier) des vécus difficiles et trouver une aide à l'intégration de ses émotions et ses expériences,
- il va développer une capacité à être attentif à son expérience, ce qui lui permettra plus tard de moduler l'intensité de son expérience ou d'être attentif à celle d'un autre (sans pour autant perdre la faculté de revenir à la sienne propre).